We don't fit in well ☽ Carol

Cela faisait une éternité que Carol n’était pas sortie, que ce soit seule ou avec quelqu’un. Pas depuis son grand départ pour l’espace, c’était presque une certitude, ou alors pas longtemps, pas dans ce qui pouvait être vu comme une véritable sortie. Un simple verre ensemble, de quoi parler tranquillement de ce qu’il s’était passé ces derniers mois, ces dernières semaines. Simplement dire comment on allait. Mais réellement sortir, être deux amies qui s’amusent sans se poser de question, qui parlent et rient et dansent même sur la piste comme n’importe quelle femme de leur âge… Carol ne sait même plus réellement comment faire tout ça, cela fait trop longtemps qu’elle ne l’a pas fait. Elle espère simplement n’avoir pas perdu sa résistance à l’envie de boire. Son humeur dernièrement l’a poussée à rejoindre un groupe de soutien, par peur de reprendre si elle n’en parle pas à des gens qui comprendraient.

Choisir une tenue avait été une vraie bataille. En fait, ça avait même été un vrai voyage. Carol ne possédait absolument plus rien qui soit à la mode, et encore moins quelque chose pour sortir. D’ordinaire, elle s’en serait bien fichue, mais ce jour-là elle avait envie de se fondre dans la masse, de ne pas être celle que l’on regarde parce qu’elle paraît si… extra-terrestre. Alors elle a fait un effort, elle a passé sa journée dans les magasins à se trouver de nouveaux vêtements et elle avait très probablement fait un trou dans son budget. Mais après tout, cela serait toujours utile plus tard. Elle n’avait pas pris qu’une tenue. Oh, elle avait détesté sa journée shopping, sûrement qu’elle n’en ferait plus avant l’année suivante, mais parfois il fallait bien s’y forcer. Elle avait même acheté du maquillage. Enfin, juste un récil et de quoi couvrir les quelques boutons qu’elle avait attrapé, alors que son corps se réhabituait à l’atmosphère terrestre. Les soucis d’avoir fait un long séjour dans l’espace. Ca allait passer, mais pour le moment il valait mieux planquer ça.

Elle avait opté pour un pantalon. Pas qu’elle déteste les jupes, bien qu’elle ne soit pas réellement à l’aise lorsqu’elle en portait. Simplement, elle n’utilisait généralement plus les moyens terrestres de déplacement. Pourquoi risquer de se retrouver dans les bouchons lorsque l’on pouvait tout simplement voler vers sa destination ? Ce n’était pas le meilleur moyen de passer inaperçu, c’était un fait, mais Carol n’allait pas pousser à s’infliger une soirée dans les bouchons après avoir vécu une journée dans les magasins. C’est donc d’en haut qu’elle vint lorsqu’elle arriva sur Metropolitan Avenue. La jeune femme attire les regards au début, mais c’est New York. Les gens finissaient par passer à autre chose, et plutôt rapidement. Ils avaient l’habitude.

Ce fut Jessica qui la trouva plus que l’inverse, et Carol fut assez surprise en la voyant. Si elle avait dû décrire le style vestimentaire de son amie, elle aurait parlé de jeans foncés, de veste en cuir, peut-être d’une moto pour aller avec. Rien à voir avec la superbe robe rouge qu’elle portait, et qui renvoyait une image bien différente de Jessica que ce que Carol connaissait. La blonde serre sa meilleure amie dans ses bras lorsque celle-ci initie l’étreinte. C’était généralement Carol qui initiait, c’était elle la fan des câlins parmi les deux. Elle était l’une des seules à avoir le droit d’en faire à Spider-Woman, d’ailleurs. “Oh, Jess, c’est réciproque. Ca m’avait manqué de passer un vrai moment entre fille, pourquoi on en a pas refait avant ?” Parce qu’elle était dans l’espace, certes. Mais depuis son retour, elles ne l’avaient pas encore fait, et c’était un véritablement manquement. Elles allaient, Carol l’espérait, correctement rattraper cela le soir-même.

Le manque d’organisation n’est pas réellement inhabituel, et cela rassure presque Carol. Sous sa robe rouge, c’est toujours la même Jessica. Elle ne prévoyait rien de spécial lors de leurs sorties, mais elles trouvaient toujours le moyen de passer un super moment, soit à deux soit, plus rarement quand même, en se mêlant à d’autres. Le second câlin la surprend plus. Deux fois de suite ? Eh bien, presque un nouveau record. Jessica est vraiment heureuse de la voir, et ça attriste presque Carol. Elle a l’impression de l’avoir abandonnée à son sort, et vu le bonheur que Jessica communiquait de la revoir chaque fois depuis son retour, elle sentait qu’elle lui avait réellement manqué. “Je me sens… Ca va. C’est presque étrange de revenir à la maison. C’est comme si mon lit n’était pas vraiment mon lit, et pourtant je sais que je connais tout ces trucs autour de moi. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire ? Je reprend mes repères avec les lieux, avec les gens aussi. Heureusement, eux n’ont pas trop changé.” Et ça faisait du bien. Ses amis n’étaient pas des vrais amis s’ils l’avaient oubliés pendant ses mois d’absences. Certes, son habitude d’oublier de donner des nouvelles n’aidait pas.

Carol regarda autour d’elle, cherchant des yeux les bars dont son ami avait parlé. C’est à ce moment que cette dernière perdit un peu de son enthousiasme, redevint totalement sérieuse. Carol haussa un sourcils. “Oulà, à ce point ?” Elle prend la main de son amie dans la sienne, un petit sourire encourageant aux lèvres. “Tu vas tout me raconter. Je suppose qu’il y a beaucoup de choses que j’ai manqué ces derniers temps.” Sa faute, quelle idée de partir comme ça loin de tout ? Elle s’en voudrait probablement toute sa vie. “Ok, tu sais quoi ? On va aller voir ces fameux cocktail sans alcool et tu vas me raconter tout ça.” Carol ne prend pas l’initiative, elle ne connait pas trop les bars de la rue. Juste en volant, elle en avait repéré deux nouveaux. C’était dingue à quel point le paysage d’une ville pouvait changer lorsque l’on s’absentait quelques temps. “Avant toute chose : est-ce que tu vas bien ? Ce n’est rien de trop grave ? Je sais qu’on est censés faire une soirée entre fille, mais si c’est vraiment important on peut aller jusqu’à mon appart.” L’amusement venait après les problèmes de sa meilleure amie.

La question d’un nouveau départ n’est même pas une réelle question. Carol sait déjà très bien qu’elle ne repartira pas, pas avant un très long moment du moins. Elle se sentait beaucoup trop coupable d’être partie, absente alors que sa planète entière avait besoin d’elle. Et elle ne pouvait pas imaginer partir, pas sans avoir l’impression de les abandonner à nouveau, les livrer à leur sort comme si elle n’en avait rien à faire. Elle ne peut pas faire ça, elle est bloquée. Psychologiquement bloquée, mais est-ce qu’elle peut réellement dire ça ? Elle a l’impression que l’exprimer c’est s’appitoyer, alors même qu’elle n’est pas la victime dans l’histoire, qu’elle va bien alors que tous avaient vécu cette expérience, cette mort, ce traumatisme. Elle n’a pas le droit de se plaindre, non. Pas alors qu’elle n’était pas là pour le pire.

Carol croise les bras, fait une petite moue. Comme si elle hésitait, même si elle sait ne pas être super bonne actrice. Avec chance, cela suffira pour le moment. “Je ne pense pas repartir, non. J’ai l’impression que… qu’on va avoir besoin de moi ici. Mon instinct me le dit.” Sa culpabilité surtout, mais ce n’est pas totalement faux. Elle sent aussi qu’on va avoir besoin d’elle ici. Peut-être pas d’elle particulièrement, mais au moins de bras supplémentaires, et cette fois la blonde en fera partie. Hors de question de les laisser tous derrière encore une fois. Elle s’est peut-être découverte à demi-kree, mais dans son coeur elle sera toujours à demi-humaine avant tout. Il est juste temps de le prouver.

Carol se laisse emporter par sa meilleure amie, heureuse de la main sur son bras. Elle aime le contact, jamais excessivement mais un contact qui marque une présence, et cela lui fait plaisir de sentir la main de Jessica sur son bras. Savoir que sa meilleure amie était là, vivante malgré ce qu’ils avaient tous vécus. “J’en ai entendu parlé, oui… C’est horrible. J’aurais aimé être là, pouvoir aider…” Mais elle avait été absente. Revenue quelques petits mois après, elle avait aussi raté ça. La prochaine fois… La prochaine fois, elle serait prête, se disait-elle. La mention de la marque lui fait froncer les sourcils, alors même qu’elle la lui montre. Carol ne peut s’empêcher d’attraper le bras de son mari, examinant la marque présente sur le bras. Carol ne sait pas ce que c’est, ne comprend pas ces implications, mais elle n’aime pas ça. “Tu devrais te renseigner. Tu as été marqué, ça peut tout et rien dire.” Et surtout des choses négatives. Les marques bénéfiques qui apparaissaient du jour au lendemain étaient malheureusement plus rares.

Carol s’assit avec son amie, avec à peine un regard pour l’endroit. Elles sont là pour en profiter, mais la blonde n’en a pas réellement l’envie en cet instant. Elle veut juste comprendre quel est le soucis de son amie, peut-être même l’aider à le régler si elle le peut. Captain Marvel hoche doucement la tête à la mention de Moriarty, elle se souvient vaguement de lui, plus par ce que lui avait raconté son amie. Ca fait presque sourire Carol à vrai dire, le soucis de Jessica ne semble de prime abord pas être réellement le soucis de Jessica, mais celui d’un ami à elle.

Mais la suite ne fait que retirer ce sourire, et c’est une moue inquiète qui vient peindre son visage. La blonde va poser une main compatissante sur l’épaule de Jessica. “Jessica, écoute… Ca arrive. Je ne dis pas ça à la légère ou pour dédramatiser ce que tu as fait, mais ça arrive. C’est un accident, tu… Tu n’avais pas réellement l’intention de le tuer, si ? Les intentions ne sont pas la seule chose qui compte, mais elles comptent quand même.” Carol se redresse un peu, elle plante ses yeux dans ceux de son amie. Elle comprend mieux que quiconque certains de ces sentiments, la rancoeur surtout. Elle les vit en ce moment-même. “Parfois… Parfois une personne ment réellement pour protéger ses proches. Ca n’excuse pas, ça n’atténue pas la douleur, mais c’est un fait. Maintenant, c’est à toi de décider si tu es prête à le pardonner. Ou alors laisse ça là, passe à autre chose. Mais tu ne peux pas rester dans cet état.” Elle avait dû faire cela avec sa mère, à peine quelques mois plus tôt. Elle avait appris ses véritables origines, qu’on lui avait caché des années durant. Elle avait pardonné. Malheureusement, sa mère était morte et ces excuses ne méneraient jamais à une relation plus complice. Mais ce n’était pas ici le sujet, et Carol ne pouvait pas juger ce que devait faire Jessica face à cela. “Tu peux aussi essayer de ne jamais le croiser, ou alors aller le voir mettre les choses à plat. Si tu as peur de perdre le contrôle, je pourrais être là si tu le souhaites. Vérifier que tu ne perdes pas le contrôle. Je suis là pour toi quoi qu’il arrive.” Elle se l’était promis. Et elle se promettait, aussi, de dire la vérité à Jessica sur ses propres origines. Aujourd’hui, si le contexte le permettait. Elle ne voulait pas que sa meilleure amie se sente trahie à nouveau. Carol n’avait certainement pas l’intention de lui dire quoi que ce soit. L’occasion ne s’était juste pas présentée.