We are not the past yet ; But you are sure to be our future ✶ Susan&Carol

Carol ne se sentait pas légitime. Elle n’avait pas été présente pour la Terre lorsqu’ils en avaient eu le plus besoin, et elle avait du mal à imaginer faire un discours face à des jeunes filles pleines d’espoir, des jeunes filles qu’elle n’avait même pas pu essayer de sauver. Inutile, voilà comment elle se sentait. Mais un jour, Carol avait été ces jeunes filles. Elle avait eu de nombreux rêves d’avenir, et peut-être qu’elles aussi avaient des parents qui leur refusait ces rêves. Carol n’était peut-être pas un des meilleurs modèles actuellement, mais elle avait été ces jeunes filles et elle avait réalisé son rêve. D’une façon étrange, peu commune, mais elle l’avait réalisé. Et c’était ce qu’elle s'apprêtait à dire à ces gamines.

Carol n’était pas à l’aise face aux discours, alors même qu’elle avait déjà dû en faire par le passé. Pourtant, elle avait toujours ce stress d’être sur scène, avec autant de regards tournés vers elle. Combattre était plus facile. Même si tous la regardait, son attention était ailleurs, sur ce qu’elle était en train de faire. Elle ne se posait pas la question d’avoir l’air correcte face à la foule, parce qu’elle était simplement là pour tabasser de l’alien ou du vilain. Là ? C’était totalement différent. Elle n’avait que ces mots et cela n’était pas suffisant pour ne pas se concentrer sur la foule et stresser.

Elle lisait donc encore et encore ce qu’elle avait écrit en avance, et chaque phrase lui paraissait de plus en plus ridicule à mesure qu’elle les lisait. Le soupir qui lui échappa fut un peu trop bruyant, et elle releva la tête de son papier pour s’assurer que personne n’y avait réagi. Heureusement, ça ne semblait pas être le cas. Les yeux de Carol s’arrêtèrent malgré tout sur Susan Richards, non loin d’elle. La Fantastique avait elle aussi été invitée à parler devant les jeunes filles elle aussi. Peu surprenant si on demandait à Carol, elle avait beaucoup d’admiration pour Susan et trouvait qu’elle avait totalement sa place dans ce genre d’événement.

Carol hésita avant de se lever, ne rangeant pas son discours pour autant. Elle adressa un petit sourire à l’autre blonde. “Hey. Pas trop stressée ?” Une question à Susan qui donnait l’idée de son propre état à elle. Carol montra son papier. “Vous avez écrit d’avance ? Je suis incapable de retenir ce truc, mais je n’imagine même pas improviser…” Plutôt mourir là, sur cette scène, d’une attaque foudroyante. Elle allait se ridiculiser si elle improviser, de ça elle était certaine. Elle n’était pas faite pour ce genre de stress, elle n’avait jamais voulu ça. Simplement, elle voulait voler. Et en cet instant, elle s’envolerai bien. Mais elle avait promis ce discours. “Je suis contente de vous voir ici en tout cas. Je ne peux pas imaginer un meilleur modèle pour inspirer les jeunes.” Parce que Susan n’était pas juste une femme forte. C’était une mère. Une héroïne. Une leader quand il le fallait. Et elle réussissait si bien à gérer tout cela. Alors que Carol n’avait qu’un job, et juste ça elle n’arrivait pas à le faire correctement.

Malgré la présence de tant de personnes, il n’y avait aucun brouhaha ambiant. Comme si toutes ces femmes présentes avaient peur de déranger les autres, et parlaient donc à voix basse dans le plus grand respect des autres présents. C’était agréable, on avait pas l’impression de tous se marcher dessus et de ne pas s’entendre. Simplement on discutait entre nous dans le plus grand respect. Ca stressait aussi Carol, principalement parce qu’elle avait une voix forte et qu’elle ne voulait pas être la gueularde de la salle, celle qui dérange les autres alors qu’elles sont tranquillement en train de préparer ou réviser leur discours, ou simplement faire connaissance ou prendre des nouvelles. Alors elle tente de faire attention, se concentre simplement sur ce que lui dit la Femme Invisible. Elles se connaissent rapidement, elles ont déjà eu à combattre ensemble quand la situation l’exigeait, et si elles ne sont pas amies elles ont du respect l’une pour l’autre. Assez pour que ça soit rassurant.

Elle n’imagine pas ne pas écrire ses discours comme Susan dit faire, rien que de l’imaginer lui donne envie de repartir faire un séjour prolongé à l’autre bout de la galaxie. Ce qu’elle peut techniquement faire, c’est littéralement son joker lorsqu’elle a besoin de se sortir d’un rendez-vous ou autre qui serait embêtant ou qu’elle souhaiterait vraiment éviter. Mais là, ça ne serait pas correct auprès de ces gamines. “Votre fille est ado, c’est ça ? A cet âge, on est tous un peu en conflit avec ses parents. Vous auriez dû me voir à cet âge, une vraie teigne.” Bien sûr, la situation n’était pas la même. Valeria Richards avait clairement des parents qui prenaient soin d’elle, le genre de parents que Carol aurait aimé avoir. Des parents qui la valorisaient, au lieu de la rabaisser à son simple rôle de femme. “Elle finira par ouvrir les yeux, comme on le fait presque tous.” Carol l’avait fait. Son père était un connard alcoolique, mais sa mère… elle était bien plus. Captain Marvel avait juste longtemps refusé de le voir. “Je ne suis pas surprise d’apprendre que c’est vous l’organisatrice, par contre. Je crois même que si on m’avait demandé quel super-héros serait le plus à même de créer ce genre de conférence, c’est votre nom que j’aurais cité en premier.” Les Fantastiques avaient toujours eu cette image, et Susan Richards plus encore. Il y avait une raison pour laquelle le public les aimait tellement.

Carol ne peut réprimer un petit sourire à la proposition de café. Elle n’est pas tellement mieux que Susan sur ce point, une grande consommatrice. S’il y a une chose qui lui manquait lorsqu’elle était dans l’espace, c’était bien le café. Carol rangea son papier dans sa poche, il serait impoli de continuer de le lire alors qu’elle discutait avec quelqu’un. Elle ne le connaissait pas encore bien, mais elle allait devoir improviser. C’était le résumé de sa vie de toute façon, essayer de faire quelque chose et devoir finalement improviser. “Le café c’est le café, même quand il a un goût d’eau de lave-vaisselle. Et puis, ça ne peut pas être pire que les boissons kree. Quelle horreur.”

Carol se dirige vers la machine à café, pièces en main, pour prendre sa dose de jus de chaussette. Elle entend bien dans la voix de Susan la fierté qu’elle porte, peut-être aussi un peu de satisfaction de soit, mais Carol n’y prête pas tant que cela attention. Après tout, Susan a en effet de quoi être fière. C’est un événement d’une bonne ampleur, qu’elle a mit sur pied. Elle n’avait plus qu’à espérer que la réponse à cet événement sera positif, mais elle ne voit pas comment cela pourrait. Sauf, bien sûr, quelques magazines misogynes qui allaient se sentir attaqués par le fait que l’événement soit girl only. Evidemment. “C’est une excellente idée en effet. J’espère juste que j’arriverai à ne pas vous faire honte avec mon pauvre discours.” Carol porta la main à sa poche mais ne ressort pas le papier. Maintenant qu’elle y pense, il y a beaucoup de passages desquels elle n’est pas totalement satisfaite, qu’il faudrait qu’elle réécrive. Mais est-ce qu’elle en aura le temps ? Pas sûr. Elle allait devoir faire avec ce qu’elle avait.

“Les jeunes sont importants, ça c’est un fait. Mais j’ai l’impression que malgré tous les efforts que l’on fait pour qu’ils soient mis en avant, on ne leur donne jamais leur voix. Et là, c’est… une façon de leur dire qu’elles en ont une. Et je trouve ça bien, mais peut-être… insuffisant ?” Après tout, leur dire qu’elles avaient une voix c’était bien, mais encore fallait-il leur laisser l’utiliser. Et c’était peut-être la plus difficile. Carol en avait souffert, petite. Elle avait constamment essayé de se faire entendre, mais s’était fait taire au profit d’un frère qui n’avait même pas de meilleures notes, qui méritait peut-être moins le droit à des études. Puis ce qu’elle vient de dire la frappe, et elle se reprend immédiatement. “Pardon, je ne voulais pas sembler dire que vous faites mal votre travail ! Bien sûr, c’est génial ce que vous faites, bien plus que ce que nous avons pu avoir lorsque nous avions leur âge. Ce que je veux dire, c’est que pour qu’elles aient enfin leur place, il va falloir leur donner plus, des espaces pour s’exprimer par exemple. Pas forcément vous, vous faites déjà beaucoup. Mais de façon générale.” Parce que même les femmes adultes n’avaient pas toujours cet espace d’expression pour leurs talents, après tout. Carol elle-même n’avait ce droit que par accident, parce qu’elle avait fini par avoir des pouvoirs, par obtenir un quelque chose qui lui permettait de s’imposer. Les filles ne devraient pas avoir à subir des accident qui boulversent leur vie pour avoir droit à la parole. “Je crois que j’aimerais bien faire ça. Si je savais comment on faisait.” Carol était une militaire. Un soldat, un agent. Pas une politicienne, quelqu’un qui sait utiliser son influence pour changer le monde. Elle ne savait que le protéger.

Carol n’a jamais été très douée pour consoler les gens, pour les rassurer. Elle a toujours été plutôt terre à terre, une femme franche parfois au point de faire du mal aux gens avec ses mots. Mentir, garder quelque chose secret pour ne pas faire paniquer, elle savait encore le faire. Mais prendre une personne qui avait déjà une inquiétude et la faire sortir de l’inquiétude en question, c’était déjà quelque chose de différent. Mais visiblement, c’était suffisant pour la Femme Invisible, ou du moins était-ce ce qu’elle voulait bien montrer à Carol. Soit. La militaire n’insista pas, ce n’était pas sa place de le faire. Si Susan était une personne qu’elle appréciait et pour qui elle avait beaucoup de respect, elles n’étaient pas amies. Un jour peut-être, mais pour le moment Carol préférait rester à sa place, ne pas insister trop. La plupart des gens n’aimaient pas que des inconnus ne s’immiscent dans leurs sentiments. Carol la première d’ailleurs. Si Susan voulait en parler, eh bien… Elle le ferait.

La question qu’elle pose n’a cependant aucun rapport avec sa fille, aussi Carol laissa le sujet de côté. Elle ne savait pas vraiment quoi répondre cependant, c’était assez difficile de répondre à une telle question. C’était plus une question… d’instinct. Mais Carol réussi quand même à dire : “Les Quatre Fantastiques ont cette image, de façon générale. Un groupe qui aide les gens, qui privilégient la parole au combat… Et qui tente de changer le monde. Et vous, eh bien… Au début, les gens ne vous voyaient pas vraiment, mais vous vous êtes fait un nom, une place. Pour beaucoup, vous êtes un peu la… la figure de l’équipe. Celle qui gère pendant que votre époux cherche, en soit. Donc… non, à vrai dire, ce n’est pas totalement étonnant.” Et ça ne rend pas la chose moins géniale. D’avoir ainsi un groupe de femmes de tous les horizons, toutes fortes d’une façon ou d’une autre. Impressionnant et inspirant. Clairement, ils ne pouvaient qu’applaudir la Femme Invisible.

Les mots de celle-ci sont rassurants, Carol réussit à calmer quelque peu son stress face à ça. Elle a du mal à croire réellement que voir Captain Marvel paniquer sur scène allait réellement rassurer qui que ce soir, elle imaginait plus que cela allait les faire paniquer à leur tour, comme quoi même Captain Marvel - que beaucoup idéalisaient à la grande horreur de Carol - avait peur, et donc comment pouvons-nous, nous, ne pas avoir peur ? Carol pinça les lèvres et essaya de se concentrer plutôt sur ce que disait Susan, histoire de ne pas céder encore plus au stress. Alors elle rattrape la conversation, hoche la tête en signe d’accord. “Oui. C’est bien ce que je voulais dire. Leur donner l’opportunité de se construire elles-même, sans les façonner.” Parce qu’en pensant bien faire, si on prenait toutes les choses en mains, on pouvait faire pire que mieux. C’était une chose compliqué, c’était certain. La question suivante la prend un peu de cours, et elle regarde le papier sur lequel elle a tout écrit. “Tutoyer, oui, après tout on est… collègue, quelque part, non ? Enfin, pour le discours, hum…” Carol parcourt la feuille quelques secondes. “C’est surtout parler de mon parcours en fait, me poser en exemple. Vis à vis des attentes de mes parents, surtout…” Pas qu’elle soit un exemple. Mais c’était une situation que plusieurs de ces gamines allaient comprendre, parce que peut-être elles le vivaient aussi. Et aujourd’hui… le rêve de Carol avait été réalisé. Différemment, mais réalisé. “Je ne pense pas que-”

Carol s’interrompt, lorsqu’un bruit parvient à ses oreilles. Elle reconnaît ce bruit, elle est presque entraînée à les reconnaître. Par l’expérience plus qu’autre chose. Elle pose de suite son café sur la première surface qu’elle trouve. “On y va.” Carol s’élance dans les couloirs, inquiéte. Ca peut ne rien être, mais à vrai dire… Son instinct lui disait qu’elle n’avait pas tort, que ce n’était pas rien. Et son instinct était rarement dans le faux, avec ces choses-là. Les deux blondes filèrent dans les couloirs, alors que plusieurs des femmes présentes les regardaient passer. Elles arrivent enfin dans une des salles où plusieurs personnes attendaient. Trois personnes se trouvaient là, ayant agrippé une personne qui devait passer et ramassant une invention, sûrement quelque chose qu’elle avait amené. Des hommes bleus, dans un uniforme vert et blanc que Carol connaissait bien. “Des kree. Evidemment. C’est toujours des kree.” Carol s’avança, elle n’alluma pas ses rayons photoniques. Pas alors qu’il y avait du monde comme ça, et qu’elle risquait de les blesser. “Soldats kree, je suis Carol Danvers, membre du Sentient World Observation and Response Department. Vous n’avez rien à faire sur cette planète, je vais vous demander de lâcher cette personne et repartir chez vous.” Elle parlait le kree, mais elle utilisait le terrien. Entendre ces mots allaient aussi rassurer les autres, qui pourraient comprendre qu’elle prenait les choses en mains. Enfin… “Nous nous fichons de vos lois. Elles ne sont pas reconnues par les autorités spatiales. Cette personne a porté atteinte à l’empire, et nous ferons ce qu’il se doit.” La machoire de Carol se crispa. Ca semblait logique, les kree n’écoutaient jamais nul autre qu’eux-même. Cette fois, ses poings s’allumèrent. “Je ne le répéterai pas.” Mais bien sûr, ça ne les impressionnait pas. Ils étaient les kree. “Alors ne répétez pas.” Carol se tourna vers Susan. Il devait y avoir un moyen de les retenir ici sans recourir à la violence, et peut-être qu’elle l’aurait ? Carol était bonne à cogner, calmer le jeu… Elle essayait, mais elle n’était pas douée.