Never askin' for someone's help, to get some respect ☽ Elliott

Are we always close than before?

Jess & Lio

Les bras chargés d’une paperasse qui ne lui appartient même pas, Elliott slalome entre les idiots administratifs qui circulent dans le couloir avec un délicat petit café dans une main et bouche pleine de ragots un peu plus haut. Pathétique. Ces idiots, ils méritent de se cramer la langue et de travailler réellement pour une fois. Au lieu de se graisser le ventre sur ceux qui travaillent vraiment. D’ailleurs, l’un de ces idiots ne se retire pas du milieu à son approche, restant en plein milieu de sa trajectoire. Le jeune homme ne compte pas l’éviter, oh non, il préfère fixer intensément le petit homme trapu et grogner quand celui-ci ne reçoit toujours pas le message. Pousse-toi ducon, tu m’gênes. Le petit homme couine et part vite se tasser dans un groupe. Elliott sourit, satisfait de lui-même et s’en s’énerver en plus. Enfin, pas trop quoi. Sur cet aparté, il reprend sa route et bifurque à quelques mètres dans un open space avec des bureaux séparés par des petits murs en plastique. Juste assez pour ne pas se voir, clairement insuffisant pour ne pas s’entendre. Cacophonie de voix, de téléphone et de bruits parasites, ça tape directement sur les nerfs d’Elliott, mais il contrôle, car il en a pour quoi, cinq minutes ?

Il trace sa route vers un bureau bien précis, il sait où il va, ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve à faire cette course à son plus grand regret. Il lâche la pile de papier sur un bureau déjà bien rempli. « Yo Clay, c’est le coursier. Bon du coup comme d’hab, j’sais pas c’que c’est et je m’en fou, mais si vous pouviez trouver un gars de votre département pour faire les trente mètres qui vous séparent ça serait vraiment cool. » Elliott regarde l’homme derrière son bureau dans l’expectative, mais laisse tomber en voyant son air dépité. C’était à lui d’être dépité, mais bien, à défaut de pouvoir être l’un, il a quand même pitié. « C’était la dernière fois ok ? Mémo, moi, j’fais des enquêtes. Pigé ? Nickel, peace. » Sur ce, il quitte cet enfer sonore et se dépêche de retrouver l’étage réservé à son département. En ce moment, c’est vraiment le bordel. Un bordel tellement intense que tout le monde carburait aux heures sup’. Elliott n’avait pas vu son lit depuis quoi, deux, peut-être trois jours. On était quel jour, là ? Entre courir pour faire le messager, aller enquêter dans la ville sur les résidus de la crise des enfers, participer à des réunions et en prenant à peine le temps de manger un bout et faire une sieste sur un fauteuil dans la zone de repos. D’ailleurs, le jeune agent a vraiment besoin d’une pause-là. Il se frotte les yeux, ça pique. Son téléphone vibre. Quoi encore ? Lassé, il regarde l’écran et... Oh. Ce numéro n’y était pas apparu depuis longtemps. Il fronce les sourcils, assez dubitatif sur la nature de la demande. Jess avait soudainement disparu de sa vie, sans qu’il ne sache pourquoi et se sentant un peu rejeté, il n’avait pas poussé la question plus loin. Cela ne voulait pas dire que le geste ne l’avait pas blessé, mais le jeune agent s’était forcé d’intérioriser et de lever le menton. Putain d’égo.

D’un geste saccadé, il remet le téléphone dans sa poche arrière et s’avance vers l’une des référentes. « Madame ? Euh, ça fait un moment que j’ai pas vu mon lit, permission de prendre une pause ... ? » Cette femme a vraiment un regard flippant, surtout quand il est braqué sur vous. Elle le juge, puis regarde dans ses papiers. Ouais, regarde ton papier et mates que ça fait beaucoup trop longtemps que j’suis en heure supp là. Elle hoche la tête, puis une seconde fois. Elliott sourit, d’un sourire fatigué et absolument pas sincère. « Mes salutations. » Il aurait pu sauter de joie, s’il en avait eu la force. Il est sept heures du matin, ça lui laisse un peu de temps pour se reposer avant de... Enfin voilà. Il n’est même pas sûr de vouloir y aller. Il ne prend même pas le temps de répondre. Il ressent tellement d’émotions contradictoires, certaines criant au piège et d’autres le poussant à espérer. Jess avait vraiment été quelqu’un d’important pour lui, c’est pourquoi le coup avait été dur.

Le réveil sonne, il est quatorze heures et Elliott grogne en aplatissant sa main sur l’objet détesté. Même avec ses six heures de sommeil, ses yeux piquent toujours autant. Il se voit dans le miroir et... Oh quelle gueule. Si seulement il pouvait retourner au lit. Le jeune homme se fouette le visage avec de l’eau. Aller, motivation, il allait juste aller voir ce qu’elle voulait et rentrer se recoucher plus tard. Aucun impact émotionnel à venir. Voilà à quoi il pense pendant qu’il se prépare et prend le métro pour se diriger vers Coney Island. Il pense plusieurs fois à faire demi-tour, craignant en pensant à ce qu’il allait trouver. Il allait trouver Jess bien sûr, mais qu’est ce que Jess allait ramener dans sa vie ?

Elliott avance lentement sur la promenade, les mains dans les poches tandis qu’il cherche le magasin en question. Il ne la voit pas. Une feinte ? Ouais, parce qu’il inspire brusquement à cause de la concernée qui a la merveilleuse idée de vouloir lui faire peur. Un truc pas étonnant, venant d’elle. Il l’observe, avalant son hésitation et essayant un air nonchalant. « Hey, et toi toujours aussi mature j’capte. » Il hausse les sourcils et esquisse un sourire. Puis se tourne, cherchant du regard la source de café la plus proche avant de marcher vers elle. « J’ai besoin d’un café, mais sinon quoi de neuf ? J’constate que t’as retrouvé mon numéro. » Poser les bases en premier, aller droit au but sans tourner autour du pot. Il commande et récupère son café avant de trouver une table tranquille. Il l’observe, gardant son visage aussi impassible que possible alors qu’en vrai, il est tellement nerveux.  

ASHLING DE LIBRE GRAPH'

Are we always close than before?

Jess & Lio

L’angoisse. Elliott ne s’est pas senti autant émotionnel depuis le moment où sa mère lui avait avoué lui avoir donné un nom espagnol en hommage à son géniteur qui ne savait même pas que son arbre généalogique avait gagné une racine de plus juste en dessous de lui. Bien qu’étant un idiot en colère, le jeune homme puise sa colère dans ses émotions. Les sentiments sont des choses étranges et imprévisibles qui ont le talent de lui faire perdre ses moyens. Comme maintenant. Il sait que sa venue dans la vie de Jess avait été indésirable, elle ne l’avait pas accueilli à bras ouvert. Ils avaient eu du mal au début, deux idiots qui se sont pris le chou pour x ou y raison. Franchement, si l’agent n’était pas aussi buté, il n’aurait peut-être pas insisté et aurait laissé la femme en paix en se retirant de ses pattes. Mais Elliott étant ce qu’il est et Jess étant ce qu’elle est, ils avaient réussi à créer une relation dont le jeune adulte avait été fier d’avoir. C’était avant. Maintenant, malgré un passé à être proche, il ne sait plus vraiment où il en est avec elle. L’homme déteste ce sentiment de marcher dans l’inconnu à côté d’une personne qu’il aimait sincèrement, qu’il aime toujours, mais aussi une personne qui a fait ce qu’il pensait qu’elle ne pourrait jamais lui faire. « Et c’était bien, la solitude ? Ça t’a rafraichie ? » Le ton aurait pu être agressif, mais seule son indécision et sa fatigue ressortait. « Très bien, j’te pardonne pas, merci pour le café. »

C’est presque naturel, c’est presque comme avant. Cette Jess semble vraiment être la personne qui s’est frayé un chemin dans la coquille de ce qui était autrefois un adolescent faisant ses premiers pas dans la majorité. Pourtant, la dernière Jess apparue devant les yeux d’Elliott avait aussi semblé être cette même Jess. Malgré lui, il n’arrive pas à retrouver cette proximité avec elle en étant à ses côtés. Une table est censée rapprocher des personnes, mais le garçon ressent le besoin d’éloigner sa chaise d’elle à cause d’un souvenir, un pied d’écart supplémentaire qui lui laisse un goût désagréable. L’a-t-elle remarqué aussi ? « J’y arrive pas, j’dois savoir. Est-ce que tu es toi ? La dernière fois, ce n’était vraiment pas toi ? » Son regard est hésitant, il la regarde, puis regarde sur son épaule, avant de se forcer à la regarder de nouveau pour laisser son regard fuir ailleurs. « J’ai besoin de savoir à partir de quel moment c’était faux et jusqu’à quand... » Un souffle sur la tasse et il prend une gorgée de son café, peu surpris par la piqûre de chaleur sur sa langue. Il lui faut bien ce café pour s’engager dans cette discussion qui date depuis trop longtemps.

Son numéro ? Elliott sort son téléphone et ouvre machinalement ses notes, son refuge à chaque fois que l’idée d’envoyer un message à son mentor lui avait frôlé l’esprit. Chaque tentative s’était alignée à la suite du précédent dans la même note, ce qui fait qu’aucun message n’avait quitté son téléphone. Elliott n’en avait jamais eu le courage. Il pose le téléphone déverrouillé sur la table et avale sa fierté un instant. « Parce que peu importe si ce n’était pas toi à ce moment-là, moi j’en étais persuadé et j’ai accordé toute ma confiance à ce que je pensais être ma vieille ange gardienne rabat-joie et elle m’a laissé tomber. » Le constat sort comme un reproche, parce que c’est comme ça qu’il se sent depuis tout ce temps. Le jeune homme se remémore, nostalgique du temps où elle avait été cette vieille rabat-joie. Un temps qui lui manque, avant que la confiance ne soit rompue.

L’agent passe une main douce sur ses côtes, juste sous son aisselle là où la mémoire d’une vieille douleur réside encore. La blessure était partie depuis longtemps, mais il traîne toujours avec lui la blessure émotionnelle. À peine un instant à y penser et il se fige, un regard incertain vers Jess avant de reprendre une gorgée de son café. « J’me sens à cran sur mes émotions comme si j’avais cinq ans. » Et ce n’était pas juste aujourd’hui, mais depuis un bon moment déjà et pas seulement à cause de la vieille affaire entre lui et Jess qui lui pesait quand même bien dessus. En temps normal, il n’aurait pas partagé ses émotions aussi facilement. Peut-être qu’il se serait mis en colère, peut-être qu’il se serait muré dans le silence. En tout cas, il portait ces émotions controversées depuis trop longtemps et il avait besoin de conclure cette prise de tête d’émotions. « Bon sang, j’veux juste savoir ce qui s’est passé Jess. »
 

ASHLING DE LIBRE GRAPH'