Can you repair me ? Ϟ Ft. Clea

Quelques jours se sont écoulés depuis les attaques meurtrières des démons absolument partout sur le globe. Aucune ville n’a été épargné et le bilan est lourd, extrêmement lourd. Premier acte d’un plan machiavélique, tous sont en attente d’une récidive, d’une nouvelle attaque ou pire. Malgré leur discussion avec Doom, Stephen et Clea ne savent pas à quoi s’attendre de la part de Mephisto qui, ils en sont sûrs, n’aura aucun mal à les surprendre et reprendre l’Humanité par surprise. L’amoncellement de cadavres, l’odeur de la chair brûlée, carbonisée, a hanté Clea les deux premières nuits avant de finalement s’ajouter aux nombreuses images violentes auxquelles elle a été confrontée lors de sa longue, très longue existence. On n’oublie pas tous ces visages, ces cris et les paysages dévastés mais on s’habitue à vivre avec, on apprend à se détacher pour mieux se protéger sur le long terme. Clea ne peut pas se permettre de s’allonger en boule dans un coin, d’attendre que cela passe, de pleurer sur le sort de ces gens qu’elle n’a pas pu sauver. Elle n’a pas le temps et ce serait mettre en danger ceux qui restent, ceux qui peuvent encore être protégés et qui sait, sauvés. Pourtant ce qu’elle aimerait pouvoir appuyer sur la touche pause, retirer l’Oeil d’Agamotto autour de son cou et s’asseoir afin d’essayer de reprendre son souffle, de reprendre un peu le contrôle intégral de sa vie. C’est un cadeau empoisonné, presque une malédiction aux yeux de la sorcière. Si cette double nomination a un dessein particulier, il lui est encore impossible de le voir. Peut-être était-ce à elle de trouver Billy ? De tomber sur cet adolescent perdu, seul au monde et aux pouvoirs exceptionnels bien qu’encore bruts ? Fallait-il que la famille entière du garçon soit décimée pour qu’il puisse suivre sa destinée ? N’était-ce pas cruel ? Si la blonde ne peut oublier les victimes des attaques, les images qui la hantent la plus sont celles de la famille de Billy. De ces enfants sans vie. Ces corps brûlés. Et l’aura brisée du gamin qui n’a jamais rien demandé à personne, qui ne demandait qu’à vivre une vie simple sans avoir à découvrir une destinée fantastique et… Solitaire. Le rôle de Suprême, c’est de porter le poids de toute dimension, parfois à bout de bras, et seul.

Un soupir s’échappe d’entre les lèvres entrouvertes de Clea. Sa tête se tourne pour trouver sur Stephen, tourné vers elle et profondément endormi. Ses yeux observent les traits endormis de son visage apaisé bien que tirés par la fatigue qui habite tous les habitants du Sanctum. Tous se doivent de se ressourcer, de reprendre des forces et ce quand bien même ils ont tous tant à faire car les urgences mystiques ne prennent pas de congés. Les doigts de la Suprême effleurent la pommette du brun, se glissent dans ses cheveux pour venir entortiller les mèches blanches avec délicatesse. Il ne réagit que par un soupir de contentement avant de tendre son bras pour venir happer Clea, la rapprocher de lui afin de la serrer avec fermeté contre son torse, son visage venant s’enfouir dans ses cheveux argentés. Elle ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire, se laissant faire bien évidemment. Elle ne se rendort pas, elle reste ainsi éveillée à écouter le souffle régulier de son compagnon et elle réfléchit. Elle réfléchit à cet adolescent qui se repose également, à quelques pièces d’eux. Si il est présent dans l’enceinte du Sanctum, il n’a pas pour autant accepté l’offre de Clea de devenir son apprenti -et celui de Stephen- et la blonde se demande si il répondra par l’affirmative. Elle n’a pas réellement de doutes à ce sujet, dans le fond, notamment car si il a l’impression d’être face à un choix, ce n’est pourtant pas le cas. Il doit être formé, apprendre les Arts Mystiques car sa vie en dépend désormais. Ce n’est plus un adolescent sans histoires, un banal lycéen mais une future menace pour de nombreuses personnes hostiles. Sans le savoir, par sa simple nature, Billy s’est déjà fait une ribambelle d’ennemis qui ne se feront pas prier pour se débarrasser de lui. Sa survie dépend donc des futurs enseignements des deux sorciers mais ça, il ne s’en rend pas encore compte.

La Faltine a finalement abandonné, un peu à contre-coeur, le lit conjugal pour se glisser sous la douche et enfiler des vêtements. Chose que Bats approuve grandement lorsqu’il la voit traverser le salon. Finalement, la présence de Billy a du bon, cela force les deux amoureux transis à se vêtir convenablement. Le chien fantôme s’étire dans son panier, baille puis finalement en sort pour se secouer et se mettre à trottiner derrière Clea.

« Tu sais ce que tu devrais manger ? Du bacon. C’est excellent et ça ne te fera pas de mal.
-Autant si tu pouvais manger, je comprendrai la suggestion autant là, je dois avouer Bats, que tu me laisses perplexe. Répond Clea en se préparant une tasse de thé.
-L’odeur, Clea, l’odeur. Cela me rappelle ces petits déjeuners, le dimanche matin. Wong qui laissait tomber malencontreusement les morceaux de bacon. La saucisse… »

Le chien a soudainement le regard perdu tandis qu’il repense à ses souvenirs chéris, à ces bouts de bacon au goût délicieux. La sorcière jette un coup d’oeil à l’heure, tout juste 9h du matin. Sûrement Bats a-t-il raison, elle devrait préparer un petit déjeuner mais pour Billy et non pour elle. Stephen ne sera probablement pas levé avant plusieurs heures, elle a bien senti qu’il avait encore besoin de laisser son corps au repos. Son esprit aussi. Wong n’est pas là, sûrement enfermé dans sa chambre à se reposer également. Elle regarde Bats et après un soupir, se met à suivre ses instructions. Après tout, on ne peut pas dire qu’elle cuisine énormément ; c’est principalement la tâche du majordome de la demeure. La sorcière s’applique, prépare le bacon ainsi que des oeufs car d’après Bats, un adolescent humain a besoin de manger. Beaucoup. D’accord. Maintenant il faut aller le réveiller. Excellente idée, Bats.

Le fantôme passe devant dans les couloirs, tandis que Clea le suit juste un peu en retrait. Le gamin est là, la mine pâle, les yeux un peu perdus et toujours enveloppé de cette aura brisée. Le coeur de la Suprême ne peut s’empêcher de se serrer douloureusement à la vision presque apeurée de Billy. Bats s’assied pour observer l’humain mais Clea s’approche, vient doucement poser une main sur son épaule.

« Bonjour Billy… commence-t-elle alors qu’elle observe le visage du jeune garçon. As-tu bien dormi ? Tu m’as l’air épuisé. Le lit est-il assez confortable ? Ou as-tu encore fait des cauchemars ? Tu dois avoir besoin de manger et j’ai préparé… »

Bats se racle la gorge.

« Nous t’avons préparé un petit-déjeuner; se reprend Clea.
-Du bacon. Il n’y a rien de mieux que le bacon. Crois-en mon expérience, Billy. » Déclare le fantôme qui s’en retourne vers la cuisine.

Après un regard remplit d’encouragements, la blonde entraîne l’adolescent dans son sillage afin de rejoindre également la cuisine où elle le fait s’asseoir à la table pour qu’il puisse manger. Sûrement en a-t-elle un peu trop fait. Mais elle n’est pas réellement habituée à tout ça. Devoir nourrir quelqu’un. Surtout quand on n’a pas réellement besoin de se mourir soit-même.

« Tu sais, si tu as besoin de passer une nuit sans faire de mauvais rêves, je peux t’aider. Un simple sort t’empêchera de cauchemarder mais… Fait-elle alors qu’elle verse un verre de jus d’orange au garçon, cela fait partie du processus de deuil. Je peux cependant t’apprendre à méditer, à te détacher de ton corps ainsi que de toutes pensées pour trouver le repos de l’âme. »

Le verre est déposé devant Billy. Ainsi que toute la nourriture. De quoi le nourrir pendant au moins trois jours. La sorcière vient s’asseoir en face de lui pour pouvoir le regarder avec bienveillance.

« Je me souviens de la première fois où Stephen m’a appris à méditer. Je n’arrivais pas à me concentrer parce que je ne pouvais pas détacher mon regard de lui. Long soupir rêveur. J’ai l’impression que c’était il y a une éternité alors que cela fait toujours juste cinquante-six ans. Qu’est-ce qu’un demi siècle lorsque l’on a plusieurs millénaires, n’est-ce pas ? »

Elle parle pour lui changer les idées. Elle parle pour qu’il ne se focalise plus sur son malêtre, sur le deuil qui affaisse ses épaules, lui fait baisser la tête. C’est futile, cela ne permettra en aucun cas de recoller les morceaux du coeur de Billy mais cela lui permet, le temps de quelques heures, d’oublier.