Tu n’éternueras point. Ϟ FT. Miles Morales

Miles cumulait les petits jobs, les petits boulots. Il survivait plus qu’il vivait. Pas le temps pour les distractions, pour les loisirs. Oh, il aurait bien sûr pu se lancer dans quelques balades acrobatiques à coups de balançoire entre les buildings new-yorkais. Seulement il ne se voyait pas remettre le costume d’aussi tôt. Quel paradoxe, c’était la cause de tout ses mots et également la dernière chose qui lui restait de sa vie d’avant. L’ultime souvenir d’une vie qui lui manquait. S’il l’enfilait c’était uniquement pour venir à ses besoins personnels, il ne souhaitait plus se sacrifier pour autrui. Qu’est-ce que cela lui avait apporté après tout ? En dehors de tout ce qu’il avait abandonné on ne lui avait donné que du mépris, pas la moindre once de reconnaissance. Il ne courrait certainement pas après la gloire, d’ailleurs il avait toujours été contre l’idée d’être un super-héros. Mais risquer sa vie pour se faire rabaisser plus bas que Terre, c’était pire que tout. Pourtant, presque machinalement, l’ex-super continuait de se trimballer avec la tenue moulante dans son sac. C’était plus un réflexe qu’autre chose. Avant il l’aurait sans doute mis sous son t-shirt et son pantalon, au moindre crissement de pneu, il aurait arraché virilement ses vêtements pour se lancer à la poursuite du malfrat pour un peu qu’il ait volé le sac à main d’une vieille dame. Il n’était plus bon qu’à décharger des entrepôts, tenir la caisse de quelques stations-services, tout ce qui pouvait lui permettre de remplir son réfrigérateur qui puait la pourriture. Ce n’était certainement pas une solution d’avenir, mais comment voire plus loin qu’au jour le jour dans des conditions pareilles ? Il venait d’un monde bien différent avec des études, une petite amie, une famille et il se trouvait totalement désarçonné, seul, sans le moindre sous en poche.

Les écouteurs vissés dans les oreilles, Miles rentrait doucement vers son pauvre logis. D’aucun auraient été heureux de retrouver son logis, lui n’avait rien qui l’attendait, pas mais une petite console de jeu pour noyer sa peine. Comme il ne parvenait pas toujours à subvenir à ses besoins le plus légalement du monde, il était parfois forcé de mettre un pied de l’autre côté de la ligne. Il tâchait donc de ne jamais emprunter la même route trop souvent, il se voulait imprévisible, difficile à suivre. Jusqu’à présent cela s’était montré plutôt efficace. Jusqu’à présent du moins. Parce que lorsqu’un comptoir de caisse s’envolait au-dessus de votre tête on pouvait penser qu’un autre chemin aurait été préférable. Il n’avait eu aucun mal à éviter l’ovni, son sixième sens s’était montré d’une aide cruciale quand on savait que la musique envahissait ses oreilles. Profitant de la panique il avait bondis dans une ruelle comme un chat. Mieux valait laisser passer l’orage et les problèmes par la même occasion. S’il suivait son nouveau crédo du moins. C’était la première fois qu’il se trouvait en présence d’un combat de supers depuis son arrivée ici, depuis son changement d’attitude. Et si quelqu’un était tué, comment pourrait-il seulement se regarder en face ? Il ne cherchait plus les ennuis aux quatre coins de New York, mais si ses derniers se présentaient à lui. En plus de cela il avait failli se prendre la caisse enregistreuse dans le nez alors au bout d’un moment on s’en prenait un peu à sa propre personne. De bien faibles excuses pour remettre le costume. Parce que, qu’il le veuille ou non, c’était comme une drogue, la sensation indescriptible de se sentir plus fort que le commun des mortels, au-dessus d’eux, le pouvoir de sauver ou non les autres, avait de quoi en griser plus d’un.

Se glissant derrière une imposante poubelle, un peu plus loin dans la salle ruelle, il se dépêcha d’enfiler une tenue plus adaptée. Lançant son sac à dos dans les airs, il tira une toile dans sa direction pour le coller au mur. Sautant sur le mur, il avança sur ce dernier à quatre pattes, sans un bruit, se rapprochant ainsi dans la rue pour observer avec plus de précision de quoi la bête était faite. Alors il remarqua les deux grands yeux écarquillés l’observer. Depuis combien de temps était-il là ? Comment ce faisait-il qu’il ne l’avait pas remarqué ? Avait-il pris connaissance de sa véritable identité ? « Tu ferais pas mieux de rentrer chez toi ? Tu crois que tu peux être utile d’une quelconque façon ? Je pense pas, alors reste pas là. » Non pas que Miles se souciait vraiment de son sort, il ne se souciait d’ailleurs du sort que de sa personne.